Mini-raid Tende-Menton : 3 jours et revoir la mer (3)
Encore une nuit de sommeil sans paradoxe. En plus, il a plu. Rien de mieux pour vous bercer. Mais il faut bien l’admettre, le matin est plutôt blafard. Et si la pluie a cessé, le plafond reste sombre et bas. Peu nous importe, nous sommes là, et bien décidés à terminer ces 3 jours sur le vélo, et jusqu’aux galets de la grande bleue. Ca n’est pas le cas de Lolotte qui ne cachait pas sa lassitude la veille et qui attendait la météo du matin pour choisir entre train et vélo. Finalement, un autre petit-déjeuner pantagruélique plus loin, servi par notre hôte dans le plus pur style British, et le soleil nous refait le coup du « Qui trop écoute la météo, passe sa vie au bistrot » en venant narguer les prévisions pessimistes de la veille.
Rien de tel pour vous redonner la pêche. Un petit tour à la boulangerie et la charcuterie du village pour le picnic, un peu de graissage de chaine, un changement de plaquettes pour Banana, tout en jouant avec le gentil patou déplumé, un peu de social avec notre hôte pour apprendre que la villa joliment restaurée et aménagée était une ferme insalubre quelques années auparavant, et c’est reparti pour notre dernière étape : 32 km, +1300m, et -1700m.
La complainte des isquions
Un constat : après deux longues journées de selle et avec nos sacs, le postérieur nous rappelle qu’il existe et qu’il est sensible, et que quoi que l’on fasse, une selle de VTT reste quand même inconfortable. La deuxième constatation c’est que, toujours après une centaine de km de vrai VTT dans les jambes, une montée sur piste de +800m ne se fait pas les doigts dans le nez. On ne quittera pas souvent le petit plateau et les deux grands pignons, tandis que Banana et Charlotte n’hésitent pas à passer en mode poussette dans les quelques murs qui agrémentent cette longue montée.
Quadistes, faites plutôt du VTT
La plaie du jour, ce sont les motos à quatre roues de tondeuse, les quads. Ils sont aussi bruyants que peu respectueux des cyclistes, et l’un d’entre eux prendra un malin plaisir à accélérer en nous passant au ras du guidon dans la montée. A son retour en descente (le jeu consiste à monter la piste à fond et… pareil à la descente), Lolotte qui se trouve au milieu de la piste pour prendre le virage dans la trace propre se fait sermonner par le pantin qui lui conseille de garder sa droite, tout en la frôlant avec projection de gravier ! Tout un abîme d’imbécilité et d’irrespect…
Tiens au passage, arrivés à la bâtisse du plan German, Banana ayant déjà bien entamé son sakaflott, j’ai voulu vérifier l’indication du panneau concernant la source du plan German à 100m. Et bien en continuant la piste tout droit sur au moins 200m, il y a effectivement une source d’eau tout à fait potable. Toujours bon à savoir lorsqu’on entreprend ce parcours par forte chaleur.
Mer en vue
Une fois nos 800m enfin avalés, ainsi que la barre énergétique de son choix, nous rechaussons avec plaisir casque et protections pour entamer le tour du mont Razet, et profiter, après une dernière petite poussette jusqu’à la Roche Pointue et les blockhaus, de la très jolie descente qui nous dépose au col du Razet, lieu de picnic traditionnel et très attendu. Au passage, nous savourons nos premières vues sur mer, qui symbolisent l’aboutissement de notre mini-raid.
Surprise dans la descente, les coupes de sentiers rebouchées par des branchages un mois plus tôt lors de notre première rando eco-sentiers ont déjà été saccagées et roulées… Motos ou gros vélos ? Difficile à dire, mais dans tous les cas un comportement irresponsable et préjudiciable. On s’arrête donc pour reboucher l’ensemble, mais avec de gros troncs morts cette fois, pour un peu plus de dissuasion.
Le bruit des agneaux au pied du Berceau
Malgré le soleil qui commence à faiblir face aux nuages venus de l’est, la pause picnic nous donne une furieuse envie de sieste contre laquelle il faut bien résister. Le paquet de chamalows apporté par Fab pour Charlotte n’a pas fait long feu, et on se remet en selle pour un agréable enchaînement de roulant et de cassant, avec vue mer à tous les étages. Petite remontée sur piste jusqu’au col St Bernard et sa chapelle où nous attend la dernière épreuve du jour, la montée puis le portage du col du Berceau. C’est là que Lolotte décide finalement de nous fausser compagnie pour rentrer par une trace plus directe, car pour elle, le plaisir n’y est plus.
Nous voici donc à cinq pour terminer le parcours et attaquer les 380m positifs restants. On roule d’abord au milieu des moutons, et des très nombreux agneaux bêlants, tout en surveillant le patou jamais commode avec les bikers. Puis le GR52 nous plante son décor avec le panneau « Col du Berceau », dont la direction horizontale est trompeuse, car cette partie de sentier démarre plutôt vers le haut. Ayant déjà un peu d’avance sur les filles avec Fab, on attaque le portage en mode sprint pour le sortir en un quart d’heure (un petit peu plus pour moi), et redescendre en mode trailer afin d’aller soulager nos deux rescapées déjà bien entamées, et qui ont même trouvé le moyen de prendre un mauvais sentier malgré le balisage. Sacrées belettes !
La pause est méritée pour toutes et tous au col, dans un lieu toujours aussi magique : un petit plateau d’herbe grasse sous de grands pins, encadrés par deux sommets, avec le sentiment d’être au bord d’une falaise devant le ciel et la mer qui se confondent à l’infini. Quelques pas vers le sud, et la pente bascule franchement sur la ville de Menton et son port qui se découvrent… 1100m plus bas.
Descente n’est pas forcément reposante
Une petite photo de groupe avec la participation d’un groupe de randonneurs Hollandais et on attaque la trop fameuse descente du Berceau, réputée pour son exigence en matière de freinage. En fait le principe est assez simple, une fois passée les première dalles et un grand travers vers l’est, le sentier est tracé plein sud, presque droit dans la pente, avec une succession de lacets bien trop lâches pour véritablement casser la pente et la vitesse. Le traceur devait sans doute être pressé, car il n’a même pas pris la peine d’allonger les travers et de multiplier les épingles pour maintenir un pourcentage de pente décent.
L’accumulation de cailloux aidant, le jeu consiste à bloquer la roue arrière quasiment en continu, et gérer la glisse de l’avant, et donc la vitesse, le tout sur une trentaine de lignes de niveau sur la carte ! Inutile de préciser qu’à ce petit jeu, il faut non seulement un bon doigté de pilotage, mais aussi une bonne résistance physique pour tenir les enchainements sans craquer. Visiblement, pour la résistance, Charlotte en a déjà touché les limites, et on la voit pour la première fois perdre son flegme légendaire, sur fond de musique désuette : « saleté de cailloux ! » (version édulcorée) dit-elle droit dans les yeux à celui qui a eu le malheur de provoquer sa chute. Tous les cailloux du Berceau s’en souviennent, et redouterons longtemps encore les admonestations de la blonde belliqueuse.
L’arrivée au plan du Lion est la délivrance. Banana fait des étirements de phalanges et de poignets crispés et Charlotte retrouve son calme dans les effluves de plaquettes chaudes. Mais ça n’est pas terminé pour autant, car Fab nous propose la version sentier de la course Turini-Menton qui part sur la gauche avant de plonger à travers la garrigue vers l’autoroute. Moins cassant que le parcours habituel, le sentier alterne du joli roulant et des murs à nouveau tout en glisse. Un peu trop pour la Charlotte qui craint la chute avec la fatigue et son genou en vrille et qui préfère la version pédestre plus prudente, quoique délicate quand même. Puis nous retrouvons l’excellent sentier ludique sous Castellar, avec son escalier final, où chaque marche est un challenge pour la fourche comme pour le grand plateau, ou la flasque qui le remplace.
Epilogue
Les premières gouttes de pluie qui ont eu la décence d’attendre notre arrivée nous font choisir le retour le plus direct après l’autoroute, en passant par la jolie route de crête du Baousset. Et nous débarquons comme d’une autre planète dans la ville du citron, au milieu d’une circulation que l’on a l’impression d’avoir quitté il y a au moins dix jours. Une photo « on l’a fait ! » en mode automatique sur la plage de galets, et nous savourons enfin la bière promise sur une terrasse animée de la vieille ville.
Malgré les difficultés et les efforts, on a le sourire jusqu’aux oreilles et on est tous ravis. On rejoint tranquillement la gare une dernière fois sur le vélo, sauf pour Fab et Astérisme qui descendront à Nice ville pour retourner vers Roquefort ! Pendant ce temps, les crètes qui surplombent la ville sont enveloppées par la brume et la pluie. Le Berceau a refermé le voile juste derrière notre passage.
Nos vélos sont casés dans la cabine du contrôleur prévue à cet effet cette fois. Depuis les fenêtres du TER, on se laisse encore hypnotiser par la mer, et les rideaux de pluie qui commence finalement à bien tomber, tout en se laissant aller aux souvenirs de ce mini-raid bien rempli, et sans bobo ni incident mécanique.
Mention spéciale aux filles bien sûr, et plus particulièrement à Charlotte, non seulement organisatrice, mais aussi la moins entrainée de tous pour affronter ces trois jours sportifs, qui après coup, nous en paraissent dix…
hummm beau parcour bravo